Le rivage des perches

Retour sur l’été 2016. Essentiellement aquatique pour ma part tant les rencontres s’enchaînent.
Pendant quatre mois ma vie allait se partager entre rêves aquatiques et réalités terrestres, entre désir et nécessité.
Cela a commencé avec la pousse des nymphéas sur la partie haute de la beine lacustre.
Paysages rêvés de feuilles pourpres entrouvertes sur l’infini émeraude, labyrinthe de tiges enlacées à la merci des vents dominants.
Puis s’étalent les larges feuilles de nénuphars. Pour des alevins de la taille d’une phalange, la naissance d’une forêt.
Ils se rassemblent par centaines sous cette protection bienvenue, vagues argentées et magnétiques, réactives à la moindre oscillation de l’onde.

Déjà trois semaines de lac, exclusivement sur le même site.
Ma présence semble tolérée, les poissons se dévoilent peu à peu.
les tanches me contournent à peine pendant leur quête de nourriture matinale.
Par aspirations-expulsions elles fouillent consciencieusement la vase marneuse à l’aide de leur large bouche. Elles tracent ainsi leur chemin sur le fond de la beine lacustre.
Un mouvement d’eau à l’arrière et ce sont des énormes carpes qui déboulent de chaque côté.
Pourtant de nature si timides et discrètes, elles deviennent particulièrement téméraires pendant la reproduction, devenant ainsi de véritables bolides faisant fi de tout obstacle.
Un groupe de rotengles argentés attire mon attention au milieux des nénuphars.
Scéance grignotage, à tour de rôle, d’une tige de nénuphar préalablement séparée de sa feuille.
Un banc d’une dizaine de belles perches file sous mes palmes et s’évanouit dans les profondeurs.

Vient le temps de Néon, un jeune brochet de 4 ou 5 ans à la robe tachetée et irisée de lumière.

 

 

Il paraît calme, juste un peu intrigué par ma longue silhouette s’attardant à proximité des nymphéas.
Soucieux de maintenir une certaine distance au préalable, j’imagine une approche mesurée, non intrusive, parallèle à sa trajectoire.
Pendant 2 jours, aux mêmes heures afin de respecter le biorythme de l’animal, nous nous sommes jaugés à quelques mètres l’un de l’autre, parfois à l’arrêt en poste sous les nénuphars ou nageant de concert entre les tiges de roseaux. Il ne cherche pas à me semer, ce qui serait aisé pour ce poisson dont la rapidité est légendaire.
Non, il me teste, et si au cours de nos balades je m’attarde à faire quelques photos devant un paysage de nymphéas, au risque de le perdre de vue, je le rejoins à peine plus loin occupé à mater le banc de perches.

b) Valse en trois temps: – Une période d’adaptation, méfiantes, les perches restent à distance.

– Après quelques semaines de présence la curiosité prend le dessus.

– Puis vient l’habitude, Six semaines plus tard je fais partie du décor.

c) La morale de l’histoire
Ainsi va la vie lacustre, un fragment de vie aquatique, fragile.